Les premières études portent sur l’efficacité des stratégies mises en œuvre par les coachs des différentes équipes. La manière dont ils ont mis en application un schéma tactique défini avant la compétition, ou mis au point pendant son déroulement, et dont ils l’ont, ou non, adapté en fonction des adversaires. Est également passée au crible la gestion des effectifs effectuée par chaque coach en fonction de la forme des joueurs, mais aussi du schéma tactique et de son évolution, en essayant de mesurer à quel point la nature de l’équipe adverse a été prise en compte dans les décisions du coach.

Nous ne nous étendrons pas sur ces études, qui ne concernent pas l’Equipe de France.

En réalité l’Equipe de France est assez peu présente dans cette revue, il semble que ses performances et son comportement se prêtent assez mal à une analyse même simplement rationnelle. Le professeur Lévy et ses équipes avouent leur désarroi devant ce qui ne peut pas être pour eux un réel objet d’étude. Ils renvoient leurs lecteurs à des revues plus portées sur la psychologie de groupe et les comportements déviants dans un encadrement déliquescent.

Notre presse a en revanche fait l’objet d’études très intéressantes, dont certaines ne nous surprendront pas. Les lecteurs de notre site ne seront pas étonnés d’apprendre qu’un biais très net a été identifié au sujet de notre presse sportive, ayant pour objet de minimiser les erreurs d’arbitrage et leurs conséquences, ainsi que les aléas de manière générale. Le but évident de cette manipulation plus ou moins consciente est de rétablir le football dans la position d’un sport où le meilleur gagne. Nécessité cruciale pour un pays dont la fédération et le coach depuis plusieurs années, et les joueurs plus récemment, ont allègrement piétiné les valeurs sportives les plus élémentaires.

Nous n’avons que trop parlé de cette forme de propagande, nous n’y reviendrons pas.

Plus intéressante est l’étude contradictoire menée sur des considérations qui se voulaient scientifique, comme par exemple le fait que l’Europe est les grand vainqueur de cette compétition. Des analystes à la petite semaine ont en effet constaté, avec une finesse que nous saluons, que la finale avait opposé deux équipes européennes, et qu’il y en avait trois au niveau des demi-finales. Et ils en ont profité pour gloser sur la domination de l’Europe par rapport à l’Amérique du Sud. C’est évidemment une bêtise et d’ailleurs le professeur Lévy nous prouve le contraire en deux temps trois mouvements.

Son argumentation part du principe que le résultat d’un match de foot est soumis à de tes aléas qu’il ne permet de rien conclure de sérieux. Pour être un peu significative une étude doit s’appuyer sur un nombre de matchs relativement important. S’agissant de cette Coupe du Monde, on peut par exemple regarder comment les 32 équipes, réparties par continents, se sont sorties de la phase de poule. La pertinence de ces considérations est garantie par le fait qu’elles s’appuient sur un assez grande nombre d’équipes, et que le critère, finir dans les deux premiers de la poule, est fonction d’une série de trois matchs, et non pas d’un seul.

Au sens de la Fifa, il existe 6 continents, mais on ne peut pas tenir compte de l’Océanie, représentée par la seule Nouvelle-Zélande. Le plus mauvais résultat est pour l’Afrique, avec 1 équipe qualifiée sur 6. Vient ensuite cette Europe dont on nous dit qu’elle est le grand vainqueur de la compétition : sur les 13 équipes européennes engagées, seules 6 ont fini dans les deux premières de leurs poules, c'est-à -dire moins de la moitié. L’Asie fait mieux avec 2 qualifiés sur 4 (soit exactement 50%) ainsi que la zone Amérique du Nord – Amérique centrale avec 2 sur 3 (67%). Et l’Amérique du Sud, cette prétendue « grande battue de la compétition » réussit tout simplement le grand chelem avec 5 qualifiés sur 5 (100%).

Sur cette population des 16 équipes qualifiées pour les huitièmes de finale, la faiblesse de l’Europe est donc tout à fait nette. Cette faiblesse persiste si l’on considère le tour suivant, et donc les 8 quart-de-finalistes. On y trouve 4 sud-américains, 3 européens et 1 africain. Autrement dit, 80% des équipes sud-américaines présentes en Afrique du Sud sont allées jusqu’aux quarts de finale, pour seulement 3 sur les 13 européennes, soit précisément 23%. Sur ce critère l’Afrique rejoint presque l’Europe, avec un taux de 17% (1 équipe sur les 6 engagées). Comme on le voit, pour parler de domination européenne il faut vraiment ne pas savoir compter. Ou disons ne pas savoir compter jusqu’à 8.

Nous ne suivrons pas l’un des disciples du professeur Lévy dans des considérations qui nous paraissent trop audacieuses : il considère le phénomène de dérive des continents et le reproduit à l’envers, pour reconstituer l’unité que formaient il y a quelques millions d’années l’Afrique et l’Amérique du Sud. Ceux qui ne l’auraient pas encore fait sont invités à regarder de près un planisphère pour se convaincre qu’effectivement ces deux continents s’emboîtent parfaitement l’un dans l’autre. Dans cet emboitement le Brésil vient se positionner dans le Golfe de Guinée, et l’on s’aperçoit qu’un grande nombre de pays Africains présents aux dernières éditions de la Coupe du Monde deviennent alors ses voisins : Côte d’Ivoire, Togo, Nigeria, Cameroun, et surtout le Ghana. Pour lui il ne s’agit pas là d’un hasard, et cela prouve que cette unité originelle ne saurait être remise en cause par les contingences que sont les mouvements des plaques continentales. Il réunit ce que le temps n’aurait jamais dû séparer, et range donc le Ghana dans les équipes sud-américaines. Cela lui permet de conclure que l’Amérique du Sud avait 6 équipes présentes en huitièmes de finale, pour seulement 5 engagées, ce qui représente une performance remarquable. Nous lui laissons la responsabilité de ce genre de considérations.

Revenons à nos journalistes pour relever une autre stupidité factuelle qu’ils nous ont servie : c’était la première fois dans l’histoire de la Coupe du Monde de football que l’Espagne atteignait le stade des demi-finales. C’est ignorer la Coupe du Monde 1950, qui pose il est vrai de petits problèmes conceptuels puisque le vainqueur en a été désigné non pas après une finale qui aurait fait suite à deux demi-finales, mais à l’issue d’une poule finale qui a opposé les 4 équipes qui avaient fini en tête des 4 poules du tour précédent. Parmi ces 4 équipes figurait l’Espagne. Il ne s’agissait certes pas de demi-finales au sens de matchs à élimination directe, mais ce qui intéresse ici l’historien ou le statisticien ce n’est pas cette élimination directe, c’est le fait que l’équipe finisse la compétition dans les 4 meilleures équipes (ou supposées telles). Ce qui est bien le cas. Maintenir le contraire, c’est accepter de dire que pour cette édition 1950 l’Uruguay n’a pas atteint le stade des demi-finales alors même qu’elle a remporté la compétition. Nous ne laisserons pas les délires des organisateurs faire que cette Coupe du Monde se soit jouée sans demi-finale (et sans finale), et l’Espagne a donc bien atteint ce stade de la compétition.

Au-delà de ces considérations très factuelles, une autre étude propose une vision inter-temporelle des styles de chaque équipe, et met en relief une filiation assez directe entre l’Espagne d’aujourd’hui les équipes de Hollande qui nous ont séduits par le passé, à savoir celle de Cruijff et Neeskens autour de 74 et celle de Gullit et Van Basten de 88. Cette filiation passe par l’équipe de Barcelone, qui, au-delà de l’ossature de l’équipe d’Espagne actuelle, constitue sa musculature et même son système nerveux. Cette histoire commence avec la venue de Cruijff et Neeskens au Barça en 1974 après leurs trois victoires en Coupe d’Europe avec l’Ajax. Ils y retrouvent Rinus Michels, leur entraîneur lors de la première de ces trois victoires. Rinus Michels, entraîneur de la grande équipe des Pays-Bas en 1974 puis de celle qui a gagné le Championnat d’Europe en 1988. De 1988 à 1996 Johan Cruijff revient au Barça comme entraîneur. Puis ce sera Frank Rijkaard de 2003 à 2008, avec comme adjoint sur les deux dernières saisons Johan Neeskens, et la boucle est bouclée. Bref, l’équipe de Barcelone, et donc celle d’Espagne, sont les directes héritières des grandes équipes de Hollande, et les liens évoqués ci-dessus sont si multiples qu’on frôle la consanguinité.

A l’opposé, les Hollandais de cette finale, dont l’entraîneur a lui même mentionné le comportement trop violent pour s’en excuser, sont les directs héritiers des Schumacher, Briegel et Bernd Forster. Difficile d’établir un mode de transmission aussi clair qu’entre la Hollande et l’Espagne, mais l’évidente similarité des comportements se passe de démonstration.

Tout cela permet de conclure qu’une victoire de la Hollande en finale aurait été une catastrophe pour le football mondial, non pas seulement s’agissant de cette Coupe du Monde, mais aussi à travers les siècles d’un point de vue historique : avec la victoire de Van Bommel et du free fighting, ce n’était pas seulement le beau jeu de Xavi et Iniesta qui aurait perdu, mais aussi celui de Cruijff, Neeskens, Van Basten et Gullit.

Nous ne pouvons pas rendre compte ici de toutes les études que propose ce dernier numéro de la Harvard Review of Scientific Football, nous en mentionnerons une seule pour finir. Elle porte assez prosaïquement sur le financement du football amateur. Un club, dont par modestie nous ne révèlerons pas le nom, est cité en exemple pour le sérieux de sa gestion financière. On y apprend qu’il présente pour les sponsors une opportunité tout à fait exceptionnelle, puisque pour un nombre très limité de centaines d’euros il est prêt à afficher sur ses maillots à peu près n’importe quoi, dans les limites de la décence et du respect de l'autre.

Pour profiter de cette aubaine envoyez une offre détaillée à  : tresorier@pantheonfc.fr